Toulouse s’est parée de QR codes géants cet été sur certains panneaux Expression Libre de la ville. Initiateur de ce projet, Tazas Project a mis en place cette action de rue pour interpeller les passants sur ce petit marqueur graphique qu’on rencontre de plus en plus mais dont peu de personnes connaissent réellement le principe. L’équipe a donc imprimé des affiches qu’ils ont ensuite collé dans l’espace urbain. Le principe : un QR Code géant avec au centre le message « Code Your Mind » qui renvoie à une vidéo une fois flashée. « Son contenu est une «apologie critique» des QR codes, ou plus exactement de l’ère numérique. La vidéo donne à voir une société (image de l’homme) qui devient dépendante des technologies et transforme le modèle de réflexion humain de manière numérique. Par conséquence, l’être humain se conditionne dans un modèle de pensée que lui même a créée sans pouvoir sans détacher. »
A l’occasion de ce dernier projet, nous avons rencontré Guillaume Beinat, fondateur du Tazas Project pour nous parler de cette action et nous présenter cette plateforme artistique.
Bonjour Guillaume, peux-tu nous présenter un peu le Tazas Project. Peut-on parler de collectif artistique ?
Je n’aime pas vraiment le terme collectif car il engendre un regroupement de personnes qui veulent tout se partager. On est plutôt des électrons libres. J’ai créé le Tazas Project dans un seul objectif. Si j’ai envie de travailler avec quelqu’un que j’aime, que ce soit un ami ou autre, je travaillerai avec lui. On était parti au début sur une idée de livre avec un de mes meilleurs amis espagnol. On a considéré que le travail devait se faire sans cadre défini, c’est-à-dire tu interviens et je réinterviendrai par-dessus toi. Il s’agit d’une relation de confiance mutuelle. Tu es maître de ce que tu fais et moi je tâcherai de respecter ton travail tout en intégrant à mon tour mon savoir-faire. Ca a plutôt bien fonctionné et on a fait évoluer le livre en vidéo. Ensuite, d’autres intervenants sont venus, ce qui nous a permis d’intégrer des nouvelles technologies, un autre savoir-faire. A la base, Tazas Project est un regroupement de personnes qui bossent sur des projets spécifiques qu’on lance et on recherche les personnes qui sont le plus à même de nous épauler.
Nous sommes 3 membres actifs : Alexandre Suné, Dominique Vial et Guillaume Beinat. Alexandre est spécialisé dans l’interactivité, la réalité augmentée et le kinect. Son travail personnel se base sur l’interactivité, c’est-à dire mettre le spectateur en face de l’œuvre et lui en faire prendre possession. Dominique se destine plus sur l’intelligence de cet interactivité, soit comment donner une vie à cet interactivité, et moi je suis là pour organiser le côté graphique et la scénographie. Après, on intervient avec d’autres personnes qui nous permettent d’avoir du motion, de l’illustration ou un regard typographique. Cette forme nous permet d’avoir une pluralité de disciplines.
Une particularité est frappante chez Tazas Project, vous utilisez autant le papier que les nouvelles technologies. Ce qui est assez rare de nos jours où certains prônent la mort du papier. Peux-tu me parler de cette complémentarité ?
En effet, on a segmenté Tazas Project en deux voies qui sont pour autant complémentaires : la création graphique et la recherche technologique. Celle qui nous permet d’alimenter nos projets c’est-à-dire la création graphique, nous offre une vitrine partout dans le monde, dans des boutiques afin de générer des fonds pour nos autres projets et la recherche sur les nouvelles technologies. Ainsi, le papier nous sert en partie au financement de Tazas Project mais aussi car je tiens à conserver le papier étant un amoureux de ce support. Le papier a donné l’image à Tazas et continue à véhiculer le message. Il nous permet aussi d’être reconnu par cette signature noir et blanc et orange. C’est pourquoi nous avons aussi intégré un procédé sérigraphique pour concevoir des cartes postales et des affiches.
Le papier est devenu un vecteur de communication avec les nouvelles technologies. Aujourd’hui, on use de QR codes, de marqueurs de réalité augmentée dans différents projets, mais il faut bien dessiner le marqueur qui reste sur un support papier. Ces choses là sont encore matérielles. Il existe un lien entre le côté traditionnel et celui hyper technologique. Le mélange des genres est naturel.
Justement, on parle de QR Code, revenons sur votre dernière installation à Toulouse « Code Your Mind ».
Notre dernier projet en date « Code Your Mind », j’y réfléchissais depuis longtemps dans la mesure on voulait investir l’espace urbain. Ayant un passé dans le graffiti et le collage, je souhaitais allier collage et nouvelle technologie avec les QR Codes. Une manière d’interagir en grand à l’intérieur de la ville pour pousser les gens à se poser des questions par rapport au signe qu’on collait mais aussi par rapport à l’interaction qu’il pouvait y en avoir. Certains ne savait pas ce que s’était et sont restés devant interloqués, d’autres ont compris directement et ont joué avec en scannant le visuel qui renvoyait vers un message typographique Code Your Mind. On a cherché à pousser les gens à se servir de leur téléphone et à démocratiser l’usage de ce signe. Comment peut-on voir quelque chose de caché ? Comment une œuvre d’art peut-elle être dissimulée derrière un élément graphique installé en pleine rue ? On a fait plusieurs réalisations dans Toulouse, aidé de Jean-Paul Fauré pour la partie motion. La deuxième lecture du projet est de montrer que nous sommes addict de ce type de technologies. On arrive à réfléchir et à penser comme l’utilisation d’un téléphone. On n’a plus les mêmes approches de réflexion, et on réagit parfois de façon binaire.
Des passants se sont arrêtés quand on a mené l’action et on a pu discuter et partager des sentiments. Souvent, ils nous disaient qu’ils avaient déjà vu ça quelque part mais qu’ils ne savaient pas ce que c’était. On s’est aperçu que le QR code est peu utilisé finalement. Un peu par la société de consommation et les agences de pubs mais finalement personne n’a expliqué de quoi il s’agit réellement au grand public, ni la lucidité que pouvait engendrer un téléphone avec un marqueur.
Et voici la vidéo à découvrir une fois les QR Codes scannés :
Et quelques vidéos du making-of de l’installation des QR Codes géants dans les rues de Toulouse :
Merci Guillaume pour cette rencontre intéressante qui prouve par ailleurs que tradition et technologie peut avancer main dans la main.
[…] Souvenez-vous! Il y a presque 2 ans, j’avais rencontré Guillaume Beinat, qui nous avait longuement parlé de son projet Tazas Project et particulièrement son affection pour l’interaction entre l’imprimé et le numérique. À cette période, l’équipe avait imprimé et affiché des QR codes géants dans le centre ville de Toulouse qui renvoyait à une animation vidéo sur la réflexion humaine, face à la nouvelle ère numérique (voir l’article ici). […]